Village de Lachau
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Vue du chateau et de l'église © Dobeuliou
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Le soldat Charles Audibert et la campagne de Madagascar de 1895

 

Au sein du cimetière de la commune de Lachau et sur un des murs de la face Est de l'église de Notre Dame de Calma, est apposée une plaque au nom du soldat Charles Audibert et dont l'état actuel est assez dégradé  (♦ voir photo ci-contre).

Quelle était la filiation du soldat Charles Audibert ?
Le soldat Charles Audibert né le 28 mars 1874 à Carpentras était le fils issu du mariage le 24 juillet 1866, sur autorisation de l'intendant militaire d'Alger, devant le Maire de Lachau Pierre Jarjaye entre :
• Paul, Bernard Audibert né le 19 août 1827, sergent à la 9ème section d'infirmiers militaires de l'hôpital militaire du Dey à Alger (Algérie), veuf d’Anne Payet décédée à Aix-en-Provence le 16 juin 1861 et fils de Jean, Joseph Audibert et de Marie, Jeanne Boissac domiciliés à Lachau,
• Eugénie, Rosine Pellegrin née le 14 décembre 1849 à Lachau, fille d’Etienne Pellegrin et Sophie Audibert (cultivateurs) domiciliés à Lachau.


Rappel historique des origines de la campagne de Madagascar de 1895.
La 1ère campagne de Madagascar de 1881-1883 n'ayant pas été suivie des résultats escomptés d'un point de vue diplomatique (mise en œuvre d'un protectorat français), une commission mixte des ministères des affaires étrangères, des colonies, de la marine et de la guerre déposa un rapport contenant des propositions relatives à la constitution d'un corps expéditionnaire et le Parlement a donc voté un budget de 60 millions de francs de l'époque (soit environ 217 millions d'euros) pour les frais de l'expédition.

Dans ce cadre, le gouvernement de la IIIème République française a décidé de lancer une 2ème campagne sur ce territoire en 1895 en vue de faire respecter les accords de ce protectorat. C'est ainsi qu'a été constitué un important contingent terrestre et naval constitué d'environ 24.000 personnels (dont 7.000 convoyeurs indigènes) contre le royaume Hova de Madagascar défendu par une armée potentielle de 35.000 personnels mais assez peu opérationnelle.
La force militaire française (environ 15.000 militaires) était sous les ordres du général Jacques, Charles, René Duchesne (1837-1918) (♦ voir sa photo ci-contre).

Le corps expéditionnaire, qui commence à débarquer à Majunga le 23 avril 1895, est dirigé par le général Duchesne, ancien du Tonkin et de l'Algérie française, le chef des services de renseignements du corps expéditionnaire est le lieutenant-colonel Léon de Beylié. Il est divisé en deux brigades :

  • la 1re brigade composée en grande partie de conscrits volontaires dépend de l'armée de terre et est sous les ordres du général Metzinger :
    - 40e bataillon de chasseurs à pied formé à Grenoble (Caserne de la Bastille ) à partir de 4 bataillons de chasseurs alpins : 11éme (Barcelonnette), 12éme (Grenoble), 14éme (Embrun) et 22éme (Albertville) ;
    - 200e régiment d'infanterie formé d'une compagnie des 74e RI, 124e RI, 125e RI, 133e RI, 138e RI, 139e RI, 143e RI
    - régiment Algérie, de l'armée d'Afrique, sous les ordres du colonel Oudri du 2e régiment étranger, composé de 2 bataillons de tirailleurs algériens et 1 bataillon de marche de la Légion étrangère, formé par les 1er et 2e étrangers ;
    - artillerie :
      ♦ 2 batteries de montagne du 38e régiment d'artillerie ;
      ♦ 2 batteries montées du 38e régiment d'artillerie;
    - 4 compagnies formées par le 5éme régiment du Génie (Versailles) spécialisé dans la construction de routes, de ponts, de pose de télégraphie, de l'aérostation, d'une base maritime, d'un sanatorium
    - train : 30e escadron à 6 compagnies du 1er régiment du Train et des Équipages militaires (Paris).sous les ordres du chef d’escadron Deyme. 44 officiers, 860 sous-officiers, brigadiers et conducteurs français, 4 270 conducteurs auxiliaires indigènes, 4 500 chevaux et mulets tirant 4 000 voitures Lefebvre.

  • la 2e brigade composée de professionnels dépend de la marine et est sous les ordres du général Voyron :
    - 13e régiment d'infanterie de marine ;
    - 1 régiment de marche colonial formé de :
    - 1 bataillon Malgache ;
    - 1 bataillon de tirailleurs haoussas ;
    - 1 bataillon de La Réunion ;
    - artillerie : 3 batteries montées (7éme, 8éme et 9éme) du 1er régiment d’artillerie de marine (Lorient)
    - cavalerie : 10e escadron du 1er chasseurs d'Afrique (Blida - Algérie);

Cette force a été appuyée par une importante force navale de la Marine nationale sous les ordres du Contre-amiral Amédée Bienaimé (1843-1930) (♦ voir sa photo ci-contre).
Elle était constituée des navires suivants :
• 3 croiseurs : Primauguet, Hugon et Dupetit Thouars,
• 2 avisos : Papin et Dumont d'Urville,
• 6 canonnières : Lynx, Etoile, Sagittaire, Météore, Lièvre et Gabès,
• 1 transport ponton : La Corrèze.
Le transport maritime des troupes d'Alger vers Majunga (Madagascar) via le canal de Suez a été effectué par une vingtaine de navires affrétés par l’État notamment auprès de la Compagnie nationale de navigation créée en 1879 par Marc Fraissinet en 1879 dans le but initial était d'établir une liaison régulière de transport de troupes notamment vers l'Indochine.

Charles Audibert a fait partie de ce contingent militaire en tant que soldat de 2ème classe ouvrier d’artillerie dans une section d'ouvriers d'artillerie formée pour la circonstance avec des conscrits volontaires par le 38ème régiment d'artillerie de campagne (RAC - Nîmes)1 du 15ème corps d'armée (♦ voir photos ci-contre).

Qui étaient les ouvriers d'artillerie ?
Les ouvriers d'artillerie étaient chargés de la maintenance des canons d'artillerie en tant que forgerons, chaudronniers, cloutiers, charretiers, cordonniers, menuisiers, charpentiers, scieurs, artificiers, etc. dont la mission était d'assurer la maintenance technique des matériels des batteries d'artillerie.
Voyez ci-contre des photographies des soldats ouvriers de la 9ème section d'ouvriers d'artillerie.

La 2éme campagne de Madagascar de 1895.
La force militaire a été rassemblée à Alger (Algérie) où s'est déroulé un important défilé militaire avant l'embarquement (♦ voir photographies ci-contre).
Embarqué à Alger en février 1895 et débarqué à Majunga en mars 1895, le corps expéditionnaire français a commencé sa campagne au prix des pires difficultés logistiques2 accentuées par :
• des choix tactiques qui n'ont pas tenu compte des conditions climatiques et géographiques de l’île ;
• le manque d’expérience de l’encadrement des troupes métropolitaines pour les expéditions tropicales ;
• la faiblesse du stock de médicaments contre les maladies tropicales (notamment la malaria et la dysenterie) ;
• la lenteur des ravitaillements logistiques par voie fluviales et l’inadéquation des matériels comme la voiture Lefevbre3 (♦ voir illustration ci-contre).

Le commandement du corps expéditionnaire anticipait les difficultés climatiques et sanitaires de la campagne, comme en témoignent ces consignes données par le colonel Gillon chef de corps du 200éme régiment d'infanterie : « À Madagascar, vous aurez à vous défendre contre trois ennemis bien plus redoutables que les Hovas : le soleil, les fièvres et la dysenterie. Contre ces trois ennemis vous avez le casque, l'eau bouillie et la ceinture de flanelle. Vous ne devez jamais sortir sans casque, car même sous un soleil nuageux, le soleil est mortel. Dans les haltes, ne vous couchez jamais sur la terre, qui est plus chaude que l'air et vous empoisonnerait par ses miasmes. Bornez vous pour vous reposer à vous asseoir sur vos sacs. Vous ne sortirez jamais à jeun et ne boirez que de l'eau bouillie avec du thé ou du café. Pour éviter les conséquences du refroidissement du ventre, et conséquemment la dysenterie, vous ne quitterez point votre ceinture de flanelle. Voilà ce qu'il faut faire. Ce qu'il ne faut pas faire, sous aucun prétexte, c'est boire de l'alcool et manger des fruits qui, même s'ils ressemblent aux nôtres, renferment de violents poisons. En suivant ces recommandations vous reviendrez en France pour la récompense de vos victoires ». Ces conseils ne permirent pas d'éviter le désastre sanitaire et le colonel Gillon (1839-1895) succomba lui même à des fièvres durant l'expédition (♦ voir sa photo ci-contre).

En débarquant à Majunga, la ligne d’attaque qui s’impose au corps expéditionnaire pour atteindre la capitale Tananarive est de marcher sur environ 500 kilomètres dans une région composée de 3 plateaux successifs.
Cette progression des troupes a été rendue difficile par :
• la lenteur du débarquement des troupes et du matériel à Majunga occasionnées par l'inexistence d’installations portuaires,
• un climat et une insalubrité sévères des zones, notamment côtières.

Ces difficultés qui se sont traduites par un nombre important de pertes humaines n’ont pas empêché la prise de villes malgaches et de la capitale de Madagascar (Tananarive – le 30 septembre 1895) par des unités de militaires professionnels (légionnaires et tirailleurs algériens) au prix d'un nombre de morts et de blessés au combat relativement faible (♦ voir illustrations ci-contre).
Si les troupes Hovas n’opposèrent qu'une résistance sporadique, les maladies (paludisme, typhoïde, choléra...) ont décimé les troupes françaises peu acclimatées : plus de 7.000 hommes (en majeure partie parmi les formations de soldats conscrits métropolitains volontaires) décédèrent de ces maladies alors que les combats notamment pour la prise de la capitale de Madagascar n’occasionnèrent que quelques dizaines de morts et blessés parmi les unités de soldats professionnels

C'est ainsi que le soldat Charles Audibert atteint sérieusement d'une maladie tropicale a été rapatrié sanitaire le 15 octobre 1895 sur le navire Le Cachar de la Compagnie nationale de navigation (♦ voir photo ci-contre).
Le soldat Charles Audibert a été hospitalisé à l’hôpital militaire du Dey à Alger dès son débarquement le 3 novembre 1895 mais il décéda le 7 novembre 1895. Il est à noter que le soldat Charles Audibert est décédé dans cet hôpital où son père, Paul, Bernard Audibert, y a exercé ses fonctions d’infirmier militaire de 1866 à 1871, soit 29 années avant.

Selon le journal « La Dépêche de Madagascar » des 8 et 11 avril 1936, certains cimetières (comme ceux d'Ankaboka et de Marololo) où ont été inhumés plusieurs centaines de soldats âgés d'une vingtaine d'années lors de la campagne de Madagascar de 1895, ont été emportés par les eaux (comme le fleuve de La Betsiboka).

La campagne de Madagascar de 1895 a donné lieu à la remise aux militaires qui y ont participé de la médaille commémorative de l'expédition de Madagascar selon les lois suivantes :
• Loi du 15 janvier 1896 portant délivrance d'une médaille commémorative de l'expédition de Madagascar en 1895 - J.O. du 17 janvier 1896 - Page 273,
• Loi du 21 juillet 1897 ayant pour objet de modifier la loi du 15 janvier 1896 relative à l'obtention et à la délivrance de la médaille commémorative de l'expédition de Madagascar - J.O. du 23 juillet 1897 - Page 4191 (♦ voir photos ci-contre).

C'est ainsi que la commune de Lachau a décidé de commémorer le sacrifice d'un de ses « enfants » morts pour la Patrie avec la pose de cette plaque sur son monument aux morts afin que son souvenir soit conservé à jamais.

Cette action de devoir de mémoire engagée par la commune de Lachau a pu être effectuée à partir d'archives diverses4 et grâce à la participation de :
• l'Association Le Luminaïre dont le président est Alex Rigat et qui a bien voulu assurer le soutien administratif de cette opération,
• Monique Amic et Sophie Audibert (secrétaire de la Mairie de Lachau) qui ont participé à la rédaction de ce document en retrouvant notamment des archives municipales, notamment les actes de mariage des parents du soldat Charles Audibert et de son décès,
• Henri Amic et Alex Rigat qui se sont spontanément proposés pour la pose de la plaque du soldat Charles Audibert sur le monument aux morts.

C.A.M.

 

1  Comme cela a été fait notamment lors de la campagne au Maroc dans les années 1910.

2  Ces erreurs ont été à raison décriées par l’opinion publique française (confer la Chronique de la Quinzaine n° 1523, histoire politique et littéraire – 30 septembre 1895 – Revue des Deux Mondes, 4ème période, tome 131 – 1895 (pages 707 - 720).

3  Elle a été utilisée auparavant lors de la 2ème campagne au Dahomey (1892-1894) avec de piètres résultats.

4  Confer notamment les correspondances de Georges, Ferdinand, Nicolas Lelorrain, les souvenirs de campagne du Soldat Silbermann (Légionnaire), les lettres et les journaux personnels envoyés par Émile Honoré Destelle (officier des troupes de marine) à sa épouse Angèle du 21 Avril 1895 au 15 Mars 1896, et le journal de Raphaël Dumand, infirmier du corps expéditionnaire militaire français pouvant être consultés sur le Net.

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