« Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin ! L'air est parfois si doux qu'on ferme la paupière »
Roman (1870) de Arthur Rimbaud (1854-1891) poète.
Origine de la plantation des arbres le long des voies.
La pénurie de bois qui suivit les défrichages du Moyen-âge fut vraisemblablement à l’origine des premières plantations d’arbres au bord des voies. Pour des raisons économiques et militaires, le roi Henri II ordonna par lettres patentes en 1552 « à tous les seigneurs hauts justiciers et tous manants et habitants des villes, villages et paroisses, de planter et de faire planter le long des voiries et des grands chemins publics si bonne et si grande quantité desdits ormes que, avec le temps, notre royaume s’en puisse avoir bien et suffisamment peuplé » et notamment pour "les besoins de chacun et pour les affûts et remontage de l'artillerie".
Le Roi Henri III a pris une ordonnance en 1583 pour protéger l'emprise des chemins contre le grignotage par les cultures riveraines.
► voir le texte de l’article 15 de cette ordonnance
Cette ordonnance a été suivie par un arrêté du Roi Louis XV du 3 mai 1720 qui fixe à 36 pieds (11,80 m) « entre les fossés » la largeur des grands chemins.
Sully, ministre d’Henri IV, fit planter des ormes aux bords des routes et sur les places des villages pour alimenter en bois les constructions des bâtiments et édifices, et des navires de la marine royale et marchande.
Les fameux « ormes de Sully » dont on peut voir encore quelques survivants dans certaines communes, ont été remplacés notamment par des tilleuls et des platanes. ♦ voir la photo de la place de l'Hôtel ci-contre.
Organisation des plantations des arbres le long des allées.
La loi du 25 mai 1825 mettant les plantations à la charge de l’État reconnaît alors aux alignements un rôle technique de stabilisation et d’assainissement de la chaussée et l’avantage de délimiter espace privé et espace public ♦ voir le schéma ci-contre présentant un « Projet d'avenue » par Jacques-Joseph Baudrillart en 1827 dans son Traité général des eaux et forêts, chasses et pêches, composé d'un recueil des règlements forestiers, dʹun dictionnaire des eaux et forêts, d'un dictionnaire de chasses et d'un dictionnaire des pêches »(1).
Si au début du 19ème siècle l'État intensifia, dans le but de réduire la poussière soulevée par les véhicules, les plantations d'arbres en bord des routes, cette nécessité disparut au début du 20ème siècle avec l'apparition du goudronnage des chaussées.
La circulaire du 21 avril 1897 précise que «Les plantations des routes sont extrêmement recommandables aux points de vue suivants : conservation et entretien des chaussées, ornement des chaussées, agrément des voyageurs et circulation dans certaines conditions topographiques et atmosphériques, du produit financier des arbres».
Au XIXe siècle, ont été plantés des peupliers dans le but de fournir le bois nécessaire à la fabrication des allumettes. Une majorité de ces peupliers ne fut, en définitive, pas exploitée par la SEITA (Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes) et ils restèrent au bord des routes avec les risques générés par leur vieillissement au-delà de 40 ans d'âge.
C'est ainsi qu'a été une première fois décidé par délibération en date du 26 mai 1918 de vendre les 120 peupliers longeant la voie de communication permettant d'accéder au village de Lachau à partir de la route départementale RD 542 et de les remplacer par des tilleuls. La délibération est renouvelée le 25 août 1929, cette fois pour vendre les peupliers morts et remplacer progressivement tous les arbres par des tilleuls, considérant que ceux-ci seraient une source de revenus appréciable pour la commune. Les peupliers seront vendus par petits lots au cours des années suivantes.
Les arbres permettent grâce à leur système racinaire de tenir des sols en pente (en surface et en profondeur) ♦ voir ci-contre l'ancienne allée des peupliers de Lachau (sur la droite de cette photo, on peut voir l'ancienne épicerie Amic fermée dans les années 1950)
« Deux amoureux humains - deux rescapés - s'approchèrent d'un peuplier et sur son cœur ils gravèrent leurs cœurs et leurs noms enlacés et furent épargnés ».
Arbres, édition Gallimard, 1976, p. 69
Jacques Prévert (1900-1977) – poète.
Conclusion.
On peut estimer à 3 millions le nombre d’arbres au bord des 35.000 km de routes nationales françaises en 1895 auxquels s'ajoutaient ceux bordant les routes départementales, les chemins vicinaux et les canaux.
Les alignements d’arbres, éléments majeurs du cadre de vie, constituent des éléments du patrimoine historique et culturel français.
Avec le développement de la circulation automobile le statut de l’arbre en bord de route devient l’ennemi mortel promis à l’abattage. Et pourtant, nous le savons, les arbres montrent la route et ses sinuosités, l’embellissent et peut être même la sécurisent. Ils apaisent les paysages et nos comportements.
C.A.M.
1 Sur les bords de l'avenue plantée d'un double alignement d'arbres, l'auteur planifie une coupe d'une partie des arbres tous les 30 ans, mais de manière à toujours conserver l'alignement paysager et une ressource en bois.