Village de Lachau
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Vue du chateau et de l'église © Dobeuliou
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Les notaires de Lachau
du XVIIe au XIXe siècle

Dans le service des archives départementales de la Drôme, il y a des documents relatifs aux études notariales de Lachau du XVIIe au XIXe siècle. C'est ainsi qu'à partir de ces derniers, a pu être réalisé cet article qui a pour objectif de présenter l'histoire de la fonction de notaire lors de cette période à partir de la liste des notaires de Lachau.

La fonction notariale a fait l'objet de différentes caricatures dont celles de Honoré Daumier(1) (1808-1879) raillant les notaires dans le cadre de la pratique du droit des affaires au XIXe siècle. ♦ ci-contre une de ses lithographies de 1838, dont voici le texte : « O Macaire(2) sublime ! Vous, un notaire pour l’ensemble de la banque, pour les banquiers, inventeur du pincé le profit, des pots de toutes les couleurs et tailles, vous êtes calomnié, vous êtes pris pour un vaurien ! L’ingratitude ».


Les origines du notariat dont les membres constituent la plus ancienne branche de la profession juridique sont les suivantes :
• Au IIIe siècle de notre ère, durant le Bas Empire romain, des fonctionnaires dont le rôle s’apparentait à celui des notaires, authentifiaient déjà des contrats au nom de l’État. La colonisation romaine introduisit l’institution en Gaule et les « notaires gaulois » rédigeaient des actes, notamment en vue de recenser les terres pour déterminer l’assiette de l’impôt foncier.
• L’institution disparut avec les invasions barbares et fit sa réapparition au IXe siècle en vertu d’un capitulaire(3) de l'Empereur Charlemagne.
• Les Rois, Saint-Louis, peu avant sa dernière croisade en 1270, et Philippe le Bel, en 1302, contribuèrent à développer le rôle du notaire. On doit au premier la nomination, au Châtelet, de 60 notaires qui instrumentaient au nom du prévôt(4). On doit au second l’extension de la fonction notariale à l’ensemble des domaines placés sous l’autorité du souverain.
• Le Roi François Ier, avec l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, mit en place les balbutiements de ce qu'a été au début l’organisation de la profession de notaire : rédaction des actes en français, obligation de leur conservation, consignation de leur existence...
• Le Roi Henri IV fit, en 1597, du notaire le détenteur du sceau de l’État.

Sous l'Ancien Régime, la situation du notariat était assez complexe car il existait 3 catégories de notaires qui étaient les suivantes :
1- les notaires royaux : ils instrumentaient (verbe de l'exercice de leur profession) dans toute l'étendue de la cour royale à laquelle ils étaient rattachés ;
2- les notaires apostoliques : de création sans doute très ancienne, ils étaient investis par le pape, l'archevêque ou l'évêque pour recevoir les actes en matières ecclésiastique et spirituelle (bénéfices ecclésiastiques, désignation du desservant d'une chapelle, réparation d'un presbytère, acte de prise de possession d'une abbaye...) ; mais cette fonction était devenue progressivement en désuétude avec l'édit royal de décembre 1691 qui supprima les anciens notaires apostoliques et créa, dans chaque évêché, de nouveaux offices de notaires royaux assumant les fonctions de notaires apostoliques ; les notaires du XVIIIe siècle prenaient alors souvent le titre de « notaire royal et apostolique » .
3- les notaires seigneuriaux (appelés aussi notaires « subalternes ») : afin de recevoir des revenus convenables, le détenteur qui instrumentait dans toute l'étendue de la seigneurie(5) pouvait souvent cumuler les fonctions soit de notaire et de greffier, soit de notaire et de procureur d'une châtellenie(6), et être titulaire d'offices dans plusieurs juridictions(7).

Conditions d'accès au notariat :
- obtenir des lettres de provision du roi, d'une autorité ecclésiastique (pape, archevêque, évêque) ou d'un seigneur justicier ;
- être bon catholique (donc baptisé);
- être reçu auprès de la juridiction concernée ;
- satisfaire à une enquête de bonne vie et mœurs ;
- avoir en principe quelques connaissances de la pratique.

La fonction de notaire était vénale par le biais de lettres de provision ou lettres de provision d'office qui étaient, sous l'Ancien Régime, des actes par lesquels les officiers étaient pourvus de leur charge. Cette formalité concernait des officiers d'importance et de nature très diverses depuis les magistrats des parlements et les autres cours souveraines jusqu'aux modestes notaires, huissiers et sergents royaux, ou encore les bourreaux.
La vénalité et l'hérédité des charges ont eu pour conséquence l'augmentation du nombre des offices jusqu'à la Révolution française. Elles favorisaient l'apparition de véritables « dynasties » de notaires (transmission des offices de père en fils, de beau-père à gendre) et une fréquente endogamie dans le milieu notarial.

La liste des notaires seigneuriaux de Lachau est la suivante :

RANCOU Jérôme
Notaire actif jusqu'en 1720.
Les archives départementales ne conservent aucun document de ce notaire.

RANCOU Jean (baptisé(8) le 10 avril 1690).
Successeur de RANCOU Jérôme. Notaire actif à partir de 1720.
Provision d'office du 8 mars 1720
Les archives départementales ne conservent aucun document de ce notaire.

BERNARD Denis (baptisé le l8 octobre 1700).
Successeur de RANCOU Jean. Notaire actif entre 1726 et 1748.
Provision d'office du 4 février 1726 enregistrée le 31 mai 1726.
Démission le l0 février 1748.
Documents conservés aux archives départementales.

BERNARD Paul Jean Baptiste (baptisé le 11 octobre 1727)
Successeur de BERNARD Denis. Notaire actif à partir de 1748.
Provision d'office du 18 octobre 1748 enregistrée le 26 novembre 1748.
Documents conservés aux archives départementales.

GROS Jean Louis (baptisé le 7 juin 1730).
Successeur de BERNARD Paul Jean Baptiste. Notaire actif entre 1758 et 1759.
Provision d'office du 28 mars l758 et procuration resignandum du 5 décembre 1758 : l'officier propriétaire de sa charge qui ne cherchait pas à la revendre et voulait la transmettre de façon héréditaire à l'un de ses héritiers, devait, dans le cadre de l'autorisation qui lui était accordée, payer un droit de résignation.
Les archives départementales ne conservent aucun document de ce notaire.

CHARRAS Antoine (baptisé le 23 août 1733 à Montauban-sur-Ouvèze).
Successeur de GROS, Jean Louis. Notaire actif à partir de 1759.
Provision d'office du 24 février 1759, enregistrée le 23mars l759.
Documents conservés aux archives départementales.

Les notaires seigneuriaux de Lachau géraient aussi les affaires des paroisses(9) suivantes : Ballons, Lachau, Vers-sur-Méouge, Izon-La-Bruisse.

À cette époque cohabitaient alors plusieurs types de « notaires » :
1- le notaire, qui rédigeait les actes originaux de manière cursive en utilisant des lettres de petite taille et de nombreuses abréviations, et qui étaient les « minutes » (♦ voir illustration ci-contre) ;
2- le tabellion, chargé de la rédaction des copies authentiques (documents rédigés avec une taille de lettres souvent plus grosse que pour la « minute » et remis aux parties) ;
3- le notaire garde note, chargé de la bonne conservation des « minutes ».

La liste des notaires officiers publics de Lachau sur la période 1791-1884 est la suivante :

PLAUCHE Antoine Joseph François (Né vers 1764 à Lachau. Décédé le 28 mai 1823 à Ballons)
Notaire actif entre 1795 et 1823 par nomination inscrite dans le décret du 24 germinal an III (13 avril 1795).
Documents conservés aux archives départementales.

MAUDUECH Jean Antoine Martin
Successeur de PLAUCHE Antoine Joseph François. Notaire actif entre 1825 et 1873 par nomination inscrite dans l'ordonnance royale du 16 février 1825.
Démission en 1873.
Documents conservés aux archives départementales.

MAUDUECH Eugène Joseph Marie
Successeur de MAUDUECH Jean Antoine Martin. Notaire actif entre 1873 et 1878 par nomination inscrite dans le décret du 8 août 1873.
Démission en 1878.
Documents conservés aux archives départementales.

JARJAYE Cyprien Amédée
Successeur de MAUDUECH Eugène Joseph Marie. Notaire actif entre 1878 et 1881 par nomination inscrite dans le décret du 9 mai 1878.
Démission le l9 septembre 1881.
Documents conservés aux archives départementales

Le dispositif législatif du notariat lors de cette période était le suivant :
La loi du 6 octobre 1791 sur la nouvelle organisation du notariat supprima les notaires royaux, apostoliques et seigneuriaux en même temps que la vénalité et l'hérédité des offices, et qui furent alors remplacés par des notaires publics agents de l'État sélectionnés par concours et nommés à vie. Cependant tout notaire en fonction en 1791 qui acceptait de présenter ses lettres de provision et de payer un cautionnement, pouvait être considéré comme notaire public. L'administration révolutionnaire exigea en outre des anciens notaires un certificat de civisme délivré par les autorités. Ne pouvant pas exercer en dehors de leur département, les notaires étaient chargés de recevoir les actes et de leur donner le caractère authentique.
La loi du 25 ventôse an XI (16 mars 1803) s'efforça de remédier aux insuffisances du texte antérieur en instituant un véritable code du notariat encore en vigueur actuellement dans ses grandes lignes et qui définissait :
• un statut des notaires dont les fondements et les grands principes n'ont été modifiés tout au long du XIXe siècle que sur des points particuliers tels que la transmission de l'office et la présentation du successeur (1816), l'organisation des chambres de discipline (1843)...
• les fonctions, le nombre et la répartition des notaires,
• les conditions de la nomination des notaires,
• les actes notariés,
• les principes relatifs à la conservation des minutes(10) des notaires,
• l'obligation de résidence des notaires,
• l'institution à vie des notaires,
• la création des chambres de discipline des notaires.

D'après cette loi fondamentale, les notaires sont des fonctionnaires publics établis pour recevoir tous les actes et les contrats auxquels les parties doivent ou veulent donner le caractère d'authenticité, en assurer la date, en conserver le dépôt et délivrer les grosses et les expéditions.

L'office notarial de Lachau a été supprimé en 1884 (titre éteint le 31 mai 1884). Le versement des archives notariales de Lachau a été effectué, le 31 mars 1992, par Maître Rochette, notaire de Nyons, au service des archives départementales de la Drôme.

Les précieux témoignages de Monique Amic et de Sophie Audibert ont permis de localiser la dernière étude notariale de Lachau qui était située au sein de la Place de la Fontaine de Lachau à toute proximité du Château de Lachau ♦ confer la photo ci-contre.

Depuis le XIXe siècle,chaque étude notariale est signalée par un panonceau. Ces panonceaux ont évolué au cours du temps : ♦ confer l'illustration ci-contre.

Conclusion
La fonction notariale qui remonte à l'époque romaine est importante car les notaires ont un devoir envers l'ensemble des parties de la transaction en veillant à ce qu’un acte formel soit effectué avec une entière probité.
Au milieu du XVIIIe siècle, les notaires rédigeaient deux fois plus de contrats de travail que d’actes de droit de la famille. En outre les statuts des grandes sociétés commerciales ou industrielles ont été fondés par des notaires au XIXe siècle. Lors de cette période, l'activité des notaires allait alors du droit de la famille, au droit des sociétés, du travail, et aux actes concernant l'immobilier en général. Ainsi jusqu'à la première guerre mondiale, le notaire était un généraliste du droit.
Selon Michel Jonquet(11)la première moitié du XIXe siècle était pour le notariat français la période de son apogée car les notaires bénéficiaient en effet des dispositions de la loi du 25 ventôse an XI (16 mars 1803) dont notamment :
• l'inamovibilité qui garantissait leur indépendance,
• le numerus clausus (art.31) qui permettait de limiter le nombre de notaires en évitant les excès du temps de l’Ancien Régime ou du début de la Révolution(12).
Par ailleurs, dans une société où l’agriculture employait une grande majorité de la population active et où les campagnes étaient surpeuplées, les notaires étaient les interlocuteurs privilégiés des propriétaires qu’ils fussent à la tête de grands domaines ou petits propriétaires exploitants. Le notaire, armé du Code Civil, et qui faisait partie des notables, était le garant de la propriété.
Dans cette première moitié du XIXe siècle, le notaire avait également un rôle financier. Dans le domaine du crédit, les notaires auxquels les clients confiaient leurs économies, drainaient l’épargne de catégories très diverses. Lors de tels crédits, le notaire ne se contentait pas d’être un intermédiaire passif entre les clients soucieux de faire valoir leurs fonds et les emprunteurs. C’était lui qui conseillait le type de placement et souvent choisissait l’emprunteur.
À la fin de la première moitié du XIXe siècle, période d’essor industriel où le besoin de fonds financiers était immense, cohabitaient 2 sources de financement, 2 réseaux de crédit plus complémentaires que concurrentiels :
- l’un par les banques,
- l’autre par les notaires qui était le crédit hypothécaire.
Néanmoins, l’essor des banques, les besoins très importants des industriels et les capacités limitées du crédit notarial ont conduit au déclin de la fonction de ce dernier.

Pour terminer cet article sous une certaine forme humoristique, voici une citation de Tristan Bernard (1866-1947) romancier et auteur dramatique français célèbre pour ses mots d'esprit : «  Notaire : arrive souvent au dernier acte. »

 

C.A.M.

 

1 Graveur, caricaturiste, peintre et sculpteur français, dont les œuvres commentaient la vie sociale et politique en France au 19éme siècle.

2 Robert Macaire est un personnage grotesque de bandit de d’affairiste sans scrupule, imaginé par Benjamin Antier et incarné par Frédéric Lemaître dans la pièce L’Auberge des Adrets en 1823. Il fut repris, en 1835, dans la pièce intitulée « Robert Macaire ».

3 Le capitulaire est un document législatif de l'époque carolingienne qui est divisé en petits chapitres nommés capitula, d'où le nom de capitulaire.

4 Sous l'Ancien Régime, le prévôt était un fonctionnaire pouvant occuper plusieurs rôles : agent du roi qui s'occupait des finances, de la justice, de l'administration et de l'ordre public sur une zone géographique déterminée, et surtout un officier de justice subalterne qui jugeait notamment en appel les jugements civils seigneuriaux. L'édit de Crémieu de 1536 lui a donné le droit de juger certaines affaires en première instance.

5 La seigneurie était une institution assurant l'encadrement économique et judiciaire des populations par un individu ou une personne morale n’exerçant pas nécessairement la souveraineté et un ensemble de propriétés foncières, de droits et de redevances. On estime entre 40 000 et 50 000 le nombre de seigneuries en France au 18éme siècle.

6 « Châtellenie (castellania) » était un terme employé pour désigner l’unité la plus petite du découpage administratif de l'Ancien Régime. Dans le Sud-Est de la France cette circonscription, parfois appelée « mandement (mandamentum) », regroupait à la fois des fonctions administratives, militaires et financières ou elle était un territoire tenu, exploité et protégé par un château.

7 Les tribunaux créés au fil des siècles se sont accumulés : juridictions royales, seigneuriales, ecclésiastiques, tribunaux des prévôtés, bailliages et sénéchaussées, juridictions d'exception et parlements, se disputant parfois les affaires.

8 L'acte officiel instituant la tenue obligatoire de « registres des baptêmes » date de l'ordonnance de Villers-Cotterêts signée par François Ier en 1539. L'enregistrement des mariages et sépultures est imposé à partir de 1579 par l'ordonnance de Blois. 

9 En dehors des villes au statut particulier, la paroisse (unité fiscale) jusqu'à la Révolution était l'entité de base du Royaume. S'appuyer sur les paroisses en confiant aux curés des missions d'intérêt général (État civil, distribution de secours, lectures des textes législatifs lors et en dehors des messes, établissement de statistiques...), était aussi pour le pouvoir royal une façon de négliger la féodalité et de ne pas devenir les obligés des seigneurs du lieu.

10 En droit, une « minute » est l’original d'un acte authentique dont le dépositaire (officier public ou secrétaire-greffier d'une juridiction) ne peut se dessaisir et dont il ne peut être délivré que des expéditions (ou copies) ou des extraits : d’où les expressions minute d'un acte notarié ou minute notariale. Quant au terme de « minutier », il désigne le registre contenant l’ensemble des « minutes » d’un notaire.

11 Michel Jonquet : « Contribution à l’histoire du notariat français depuis deux siècles » et « Monde rural et notariat français au XIXe siècle », dans Le Gnomon, Revue internationale d’histoire du notariat.

12 Cette inquiétude apparaît dans l’exposé du conseiller Pierre-François Réal (1757-1834) en préliminaire au vote de la loi du 6 octobre 1791: le nombre des notaires qui existait alors et qui était déjà reconnu comme beaucoup trop considérable, loin de diminuer, s’augmenta d’une manière exagérée.

 

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