"La mort n'est rien, mais vivre vaincu et sans gloire, c'est mourir tous les jours."
Citation de Napoléon 1er Empereur des Français.
Sur le site net du Ministère des Armées et Geneaget peuvent être consultées les références d'un « enfant » de Lachau qui a servi comme soldat d'élite dans la Grande Armée de Napoléon 1er qui est :
• Laurent JARJAYE né le 21 mai 1789 à Lachau, fils de Pierre JARJAYE et Rose ARMAND et qui est « mort au Champ d'honneur » le 5 février 1813 à Ségura (Pays Basque espagnol).
Laurent JARJAYE a été inscrit en 1809 dans la liste de conscription du département de la Drôme et appelé sous les drapeaux de la Grande Armée de Napoléon 1er avec le numéro de tirage n° 54 (1).
Réglementation de la conscription
Votée sur le rapport du citoyen Pierre DELBREL (2), député du Lot au conseil des Cinq-Cents (3), assemblée présidée par le général JOURDAN (4), la loi sur la conscription militaire du 19 fructidor de l'An VI (5 septembre 1798) prévoyait :
- des engagements possibles pour les hommes âgés de 18 à 30 ans, ceci pour une durée de 4 ans en temps de paix et pour une durée illimitée en temps de guerre,
- l'instauration d'un système d'un service militaire en principe égalitaire mais sans en préciser la durée du service qui concernait tous les jeunes gens âgés de 20 à 25 ans.
Le décret impérial du 8 nivôse An XIII (29 décembre 1804) a réglementé la conscription de façon précise en prévoyant :
- la répartition du contingent,
- la confection des listes de conscrits et leur vérification,
- l'examen physique des conscrits : taille, couleurs des cheveux, des sourcils et des yeux, formes du visage (front, menton, bouche),
- les conseils de recrutement au niveau des départements,
- le traitement des conscrits réformés et des absents.
Sous le 1er Empire, les levées effectuées chaque année et réglées par des senatus-consultes (5) et des décrets ont envoyé un total de 2 432 335 hommes des pays (français et associés) du 1er Empire aux armées entre 1804 et 1813.
Chaque département de l'Empire devait fournir, en fonction de sa population, un certain nombre de conscrits dont les 25 plus grands en taille étaient destinés aux carabiniers à cheval, aux cuirassiers et à l'artillerie à cheval - les autres rejoignaient les dépôts d'infanterie, de cavalerie, d’artillerie à pied, du génie et du train et s'y retrouvaient entre régions et pays d'origine.
► voir la page de garde de l'instruction générale de la conscription.
Le système de répartition du contingent était fixé dans chaque département par la loi du 3 germinal An XII (24 mars 1804) et la répartition était faite entre les divers arrondissements d'après les bases de la population générale de chacun d'entre eux.
La répartition, effectuée par les préfets et les sous-préfets, était rendue publique par voie d'affiche. Les listes étaient dressées par les maires dans chaque municipalité et établies par ordre alphabétique, et elles comprenaient les noms de tous les individus de la classe concernée.
► voir un exemple d'instruction préalable pour la levée de 1806 dans la Drôme.
Dans chaque municipalité était ouvert un registre destiné à inscrire les observations et les réclamations, notamment le jour et le lieu où les conscrits devaient se rendre au chef-lieu de canton (6) pour l'examen et les maires devaient faire signer ce registre à chacun des individus concernés.
La taille de Laurent JARJAYE (1,55 m) l'a prédisposé à être enrôlé le 9 juillet 1809 dans le 4ème régiment de Voltigeurs (4ème compagnie) de la Grande Armée.
► voir les 2 pages du registre de contrôle nominatif de ce régiment qui mettent en évidence son numéro de matricule : 1124.
Les Voltigeurs
C'est l'arrêté du 22 ventôse an XII (13 mars 1804) qui a institué les voltigeurs (7) dont :
- la caractéristique essentielle résidait dans leur petite taille,
- la création répondait à une situation démographique caractéristique de l'époque dans laquelle les hommes petits, d'une taille inférieure à la “ normale ” étaient nombreux et donc une grande partie de la population échappait donc légalement à la conscription.
C'est ainsi que dans un premier temps, les unités de voltigeurs devaient être complétées par des conscrits exemptés par défaut de taille, et qu'ensuite la taille minimale, pour tous les conscrits, fut ramenée à 4 pieds 9 pouces, soit 1 mètre 544 (8 fructidor au XIII – 26 août 1805) (8).
Les qualités requises pour être admis dans ces troupes étaient la réputation de courage bien établie, une petite taille, la vigueur et une grande agilité. Soumis à un long et souvent périlleux entraînement, ces hommes devaient être experts en voltige, en saut, en course, à la nage, dans l'escalade des rochers les plus escarpés et des arbres les plus hauts, etc... C'est ainsi que depuis leur création, les voltigeurs suivis dans les combats à courte distance par les grenadiers (9) ont été de la plus grande utilité pour les armées françaises en ouvrant la route à la victoire.
Leur uniforme était celui de l'infanterie française mais avec comme distinction propre le collet et les épaulettes de couleur jaune ♦ confer l'image d'un voltigeur de la Grande Armée impériale ci-contre.
Au sein du 4ème Régiment de Voltigeurs, Laurent JARJAYE a participé à la campagne d'Allemagne et d'Autriche qui eut lieu durant la guerre de la Cinquième Coalition contre l'Empire français d'avril 1809 à octobre 1809, date du traité de Vienne qui a scellé la victoire française.
Ce fut au cours de cette campagne que Napoléon et la Grande Armée essuyèrent leur première grande défaite, à Essling (10), les 21 et 22 mai 1809. Cependant les victoires françaises d'Eckmühl, de Ratisbonne et surtout de Wagram permirent à l'Empire napoléonien d'assurer son hégémonie sur le continent ♦ confer le tableau présentant Napoléon 1er à Wagram ci-contre.
Puis le Voltigeur Laurent JARJAYE a participé au sein du 4ème Régiment de Voltigeurs à la campagne d'Espagne de 1810 à mai 1812.
La guerre d'Espagne
L'origine de cette guerre remonte au refus du Portugal en 1807 d'appliquer le Blocus continental institué par Napoléon 1er qui décida d'envoyer ses troupes dans la péninsule ibérique. Il en profita pour intervenir dans les affaires espagnoles en proie à un conflit entre l’infant Ferdinand, devenu Ferdinand VII, et son père le roi Charles IV qui en appela à son arbitrage. Ayant convoqué le père et le fils à la conférence de Bayonne (avril-mai 1808) et voyant l’état de décrépitude de la monarchie espagnole, Napoléon 1er tenta de profiter de la situation pour mettre la main sur l’Espagne. A Madrid, des rumeurs affirmant que la famille royale espagnole était retenue en otage, la population madrilène appréhendant l’enlèvement de l’infant de la famille royale par la France se souleva le 2 mai 1808 contre les troupes françaises et la rébellion fut écrasée dans le sang par Murat (11). Napoléon 1er croyant pouvoir poursuivre son objectif (12) a forcé les 2 souverains à abdiquer en vue d'offrir la couronne vacante à son frère Joseph. Ce fut une grave erreur d’appréciation car il a engagé l’Empire dans une guerre contre toute la péninsule ibérique appuyée par l'armée britannique qui allait miner ses forces pendant près de 5 ans (1809-1814).
Les difficultés de l'armée française résidaient surtout dans la particularité du combat : les Espagnols pratiquaient la guérilla. Si la Grande Armée remportait régulièrement des victoires contre l’armée régulière espagnole et prenait d’assaut les villes, elle peinait contre les petits groupes de résistants embusqués qui la harcelaient. La guérilla (espagnol : guerrilla) (13) est un terme emprunté à l'espagnol utilisé pour décrire des combats menés par des unités irrégulières d'insurgés ou des troupes de partisans mobiles et flexibles pratiquant une guerre sans ligne de front avec des actions de harcèlement, d'embuscades, de coups de main ♦ confer l'aquarelle ci-contre.
La guérilla a nécessité le déploiement d'unités adaptées à la contre-insurrection et la pacification des régions et des villages telles que :
- françaises : infanterie légère (Voltigeurs, Fusiliers) et cavalerie légère (Hussards, Dragons),
- étrangères, notamment les Lanciers de Berg (14) et les Chevau-Légers lanciers polonais (15) redoutés par les Espagnols et les Britanniques.
C'est ainsi que le 4ème Régiment de Voltigeurs auquel a appartenu Laurent JARJAYE a quitté l'Armée du Rhin après la campagne d'Allemagne et d'Autriche de 1809 pour rejoindre l'Armée d'Espagne. Laurent JARJAYE a ainsi combattu au sein de cette formation pendant environ 2 ans dans des conditions très difficiles : ennemi peu identifiable, modes de vie parfois précaires, déplacement sur un territoire assez accidenté d'un point de vue géographique.
Puis, les états de service de Laurent JARJAYE lors des campagnes d'Allemagne (1809) et d'Espagne (1810-1812) au sein du 4ème Régiment de Voltigeurs l'ont très certainement prédisposé à être muté, le 12 mai 1812, au 2ème Régiment de voltigeurs (2ème bataillon – 4ème compagnie) de la Jeune Garde impériale (16) au sein duquel il a continué à participer à la campagne d'Espagne de 1812 à 1813.
► voir les 2 pages du registre matricule de ce régiment.
La Garde impériale (17)
C'était un corps d'armée d'élite de la Grande Armée lors des batailles du 1er Empire constitué de soldats vétérans les plus valeureux qui, initialement, avaient pour la plupart participé aux guerres de la Révolution et étaient totalement dévoués à la personne de l'Empereur, et destiné à le protéger fidèlement. Elle fut créée par l'empereur Napoléon 1er le 18 mai 1804 à partir de l'ancienne Garde des consuls unité assurant la protection du gouvernement à l'intérieur ainsi que la sécurité des consuls de la République. Dans les faits, la Garde impériale ne servit que sous le commandement direct de Napoléon 1er et constitua la force sur laquelle ce dernier pouvait toujours s'appuyer en toute circonstance. Son effectif ne cessa d'augmenter : de 9 798 hommes en 1804, elle atteignit celui d'une armée, 112 482 hommes en 1814, placés sous les ordres directs de l'Empereur.
Notons que Napoléon veillait soigneusement à ce que rien ne soit écrit sur la Garde impériale. Même le journal militaire officiel ne publia jamais une seule ligne sur elle. Ainsi, l'ennemi pouvait difficilement en pénétrer la nature ou en savoir la composition.
Au fur et à mesure des campagnes, la Garde impériale fut divisée en 3 corps qui avaient ses propres unités de cavalerie, d'artillerie et d'infanterie :
Vieille Garde :
Elle était constituée avec des unités de grenadiers à pied et à cheval, de chasseurs à cheval, de mamelouks, de gendarmes d'élite, de dragons de l'Impératrice, de chevau-légers polonais, d'éclaireurs... dont les soldats devaient justifier d'au moins 10 ans de service, avoir une très bonne conduite, avoir été cité pour bravoure, mesurer au moins 1,76 m et savoir lire et écrire. Les hommes de la Vieille Garde étaient les plus expérimentés de la Grande Armée et les plus fidèles soutiens de l'empereur. Ils se plaignaient cependant souvent de leurs conditions de vie directement à Napoléon qui les avait appelés donc « Grognards » ♦ confer la lithographie ci-contre.
Lorsqu'un soldat de la Vieille Garde était réformé ou partait en retraite, il devenait ainsi un « Vieux de la Vieille » ♦ confer la photo d'un vétéran de la Garde impériale ci-contre.
Moyenne Garde :
Elle a été constituée en 1806 avec les Vélites de la Garde et composée de Fusiliers Grenadiers et de Fusiliers Chasseurs. La Moyenne Garde qui servait de pépinière à la Vieille Garde, était plus exposée au combat que ses aînés.
Jeune Garde :
Formées de recrues plus jeunes, la Jeune Garde était le nom donné aux unités de la Garde impériale napoléonienne créées dès 1808 pour les distinguer des « Grognards » de la Vieille Garde impériale, vétérans des campagnes impériales depuis 1805. Les cadres de la Jeune Garde impériale venaient de la Vieille Garde impériale ♦ confer le dessin de Voltigeurs de la Jeune Garde impériale ci-contre.
Pendant la Guerre d'Espagne, la mission de la Jeune Garde impériale (18) fut notamment :
- d'assurer la tranquillité et l'ordre le long du fleuve Douro permettant les communications fluviales entre l’Espagne et le Portugal,
- de sécuriser les communications vers Valladolid (Nord-Ouest de l'Espagne),
- de protéger la Navarre dès 1812 surtout lorsqu'en 1813 les soldats de l’Empereur Napoléon 1er ont du refluer en deçà des Pyrénées.
C'est lors de cette dernière opération militaire que Laurent JARJAYE est tombé au Champ d'honneur à Ségura en Pays basque espagnol à l'âge de 24 ans le 5 février 1813 comme le mentionne le registre de contrôle nominatif du 2ème Régiment de Voltigeurs de la Jeune Garde Impériale. Malheureusement son lieu de sépulture n'est ni connu et ni répertorié.
Laurent JARJAYE a donc combattu au sein de la Grande Armée de Napoléon 1er et de sa Garde impériale pendant près de 4 ans de 1809 à 1813 en dehors du territoire national (Allemagne, Autriche et Espagne) bien souvent dans des conditions difficiles. Il y a lieu de se rappeler la citation de Napoléon 1er : « La pauvreté, les privations et la misère sont l'école du bon soldat ».
Cet article concernant Laurent JARJAYE a pour objectif de garder la mémoire de ce jeune héros né à Lachau, puisse t-elle ne jamais être oubliée, et ceci notamment dans le cadre du bicentenaire de la commémoration de la mort de Napoléon 1er Empereur des Français dans l'Île de Sainte-Hélène le 5 mai 1821. Souvenons nous de la citation de Saint Augustin (19) remontant à près de 20 siècles : "Les morts ne sont vraiment morts que lorsqu'il n'y a plus personne pour penser à eux ».
C.A.M.
1 Les soldats étaient recrutés par conscription : tous les jeunes entre 20 et 25 ans devaient se tenir prêts à partir à la guerre et étaient tirés au sort. Les numéros les plus bas étaient réputés « bons pour le service militaire ».
2 Avocat et homme politique français (1764-1846).
3 Le Conseil des Cinq-Cents (chambre basse) est l'une des 2 assemblées législatives françaises du Directoire (1795-1799), avec le Conseil des Anciens (chambre haute). Elle est instituée par la Constitution de l'an III, adoptée par la Convention thermidorienne le 22 août 1795 et entre en vigueur le 23 septembre 1795. Après le coup d'État du 18 brumaire qui met fin au Directoire, le Conseil des Cinq-Cents est dissous par Bonaparte. Le Tribunat reprend une partie de ses attributions.
4 Surnommé « Le Vainqueur de Fleurus » et « Le Père-conscrit », il a été élevé à la distinction de Maréchal d'Empire en 1804.
5 Sous le Consulat de France, le 1er Empire, c'était un acte voté par la Chambre haute du Parlement ayant la valeur d'une loi. Les sénatus-consultes organiques modifient la Constitution et en règlent l'exercice.
6 En ce qui concerne Laurent JARJAYE, le chef lieu de canton est Séderon.
7 La différence entre les tirailleurs et les voltigeurs résidait dans le fait que les premiers évoluaient de façon irrégulière en étant éparpillés, tandis que les autres agissaient en corps nombreux et rassemblés.
8 "Cette mesure, écrit le général Bardin (1774-1840), augmenta l'effectif des troupes de 40.000 hommes." (confer son Dictionnaire de l’armée de terre et recherches historiques sur l’art et les usages militaires des anciens et modernes » p. 5271). Autre avantage de la mesure : l'émulation. "Les voltigeurs ont été créés par moi pour profiter des petits hommes que la conscription ne pouvait atteindre. J'en ai profité pour opposer les petits hommes aux grands, comme j’opposerais les blancs aux noirs, comme je formerais des compagnies de bossus, s'il y en avait beaucoup.” (Napoléon, le 6 mai 1819 cité par le général Bertrand, Cahiers de Sainte-Hélène, t. 2, p. 348).
9 Unité d'élite créant le choc et exploitant les brèches lors des batailles.
10 C'est à la suite de cette bataille que le Maréchal Jean Lannes né en 1769 est décédé suite à ses blessures. Il a été inhumé au Panthéon.
11 Le célèbre tableau de Goya (1746-1828) « Tres de mayo » rappelle les fusillades nées de cette répression.
12 Ses conseillers le poussaient à cela, tel le ministre Champagny (militaire et homme politique 1756-1834) qui écrivait par exemple : « il est nécessaire qu’une main ferme vienne rétablir l’ordre dans son administration [celle de l’Espagne] et prévienne la ruine vers laquelle elle [l’Espagne] marche à grands pas ».
13 Confer l'ouvrage « Guérilla et contre guérilla en Catalogne » (1808-1813) de Thierry GALLICE avec la préface de Jacques-Olivier Boudon.
14 Le grand-duché de Berg (ou grand-duché de Clèves et de Berg) fut de 1806 à 1813 un État rattaché à l'Empire français.
15 Unité de la Garde impériale de 1807 à 1815 recrutée au sein de la noblesse polonaise.
16 Le décret impérial du 30 décembre 1810 transforma en régiments de Voltigeurs les 2 régiments de Tirailleurs-chasseurs et les 2 régiments de Conscrits-chasseurs. Ces 4 régiments formaient la partie de la Jeune Garde rattachée à l'Arme des Chasseurs à pied.
17 Confer l'ouvrage de Jean Tulard : « Une armée dans l'armée. La garde. » (2012).
18 En 1810-1811, la Jeune Garde impériale a été engagée dans de nombreux combats contre les Espagnols : Luzzara, Acedo, Santa Cruz, Fort Mayor.
19 Augustin d'Hippone (latin : Aurelius Augustinus) ou saint Augustin (né en 354 né à Thagaste (l'actuelle Souk Ahras, Algérie), municipe de la province d'Afrique et mort en 430 à Hippone (l'actuelle Annaba, Algérie). Saint Augustin est un philosophe et théologien chrétien romain.